dimanche 4 décembre 2016

Bernard Buffet - Un peintre à "contre-courant"



Rétrospective sur un peintre controversé
par Valerie Morales

A "contre-courant" Bernard Buffet ? Ou juste rebelle, indépendant, authentique, suivant ses propres modes.... bref, libre !
Et s'il avait choisi de ne pas accepter de rentrer dans le moule, l'art conceptuel, comme ils l'appellent, ceux de sa génération, les gens "tendances", "branchés"... et si lui, n'en avait rien à faire? 
Alors on l'aime ou on le déteste... comme tous les gens trop "différents". 

Comme beaucoup d'artistes en marge, Bernard Buffet n'a pas toujours été compris. Issu d'une jeunesse existentialiste ayant vécu les horreurs de la guerre, il exprime sa sensibilité à sa manière, sans jamais déroger à ses valeurs humanistes.
On lui demande de l'abstrait, il renoue avec le portrait. On espère du renouveau, de la joie de vivre après les affres de la guerre et voilà qu'il nous sert des visages longs inexpressifs aux teintes grisâtres et tristes.
Quant à la modernité... Quand on voit qu'il s'inspire de Courbet ou de Rembrandt et renoue même avec les thèmes religieux à la fin de sa vie... il y a de quoi s'étonner, se questionner.

Est ce par ce qu'il est contre les dictas de la mode et d'une certaine intelligentsia qui régie les règles de l'art moderne ? Est ce cette insolente précocité avec laquelle il s'impose très jeune parmi les plus grands ? Ou cette façon bien à lui de défendre avec ardeur l'art figuratif en s'insurgeant "violemment contre l'abstraction" comme il le dit lui-même ?

Lorsque dans les années 60 il s'affiche dans le milieu de la jet set avec un succès commercial comparable à celui de Picasso, ses détracteurs apparaissent.

Il est soudainement accusé par certains de vulgariser, de banaliser l'art. En réalité c'est le précurseur d'une véritable vague qui influencera bien des générations d'artistes après lui.
Car au delà de ses clowns, ses bouquets sur cartes postales, tasses à café ou pochettes de disques, et autres produits dérivés, Bernard Buffet avec sa technique et une signature inimitables reste un des derniers grands portraitistes.

Il représente le témoin intègre d'une génération d'après-guerre blessée, dans une misère physique et morale, en perte de repères. Le personnage n'est plus en représentation. C'est une peinture immédiate, qui se passe de tout commentaire, l'expression d'une vérité pure et simple, d'un fait, d'un état d'âme.
C'est dans ce désarroi, que l'artiste  d'une émotivité extrême puise son inspiration. En véritable humaniste il peint des corps dénudés décharnés. Et ce faisant, met doublement l'âme humaine à nu.
Evidemment tout cela a pu en déranger quelques-uns...

En 1954 il tutoie les maîtres avec "L'ange de la mort" que l'on compare à "La guerre" du douanier Rousseau et sa côte remonte.
En 1955 il est finalement reconnu meilleur peintre de sa génération grâce à son exposition autour du cirque. Novatrice et ultra moderne elle dépeint un thème ludique dans un style tragique et marque le début d'un grand succès. C'est depuis cette période que Maurice Garnier organise pour lui une exposition chaque année dans sa galerie.

Alors imposteur ou précurseur ? Horriblement beau ou magnifiquement affreux ? Aujourd'hui on s'interroge.
Alors, jaloux de son succès ou de sa liberté ?
Et si on lui en avait juste voulu d'être "VRAI" à Bernard Buffet ?
Car c'est encore "en toute liberté" qu'il choisit de se donner la mort en 1999. Atteint de la maladie de Parkinson et désormais privé de sa raison de vivre, la faculté de peindre, il se suicide en 1999.








Rétrospective Musée d'art Moderne à paris Du 14 octobre 2016 au 26 février 2017

Une œuvre figurative au temps de l’abstraction

"Le caractère longtemps controversé de l’œuvre de Bernard Buffet a reporté un projet de rétrospective pourtant né il y a dix ans au sein du Musée d’Art moderne de la ville de Paris, seule institution publique détenant une important collection d’œuvres du peintre. La production prolifique de celui-ci a imposé un choix de tableaux forcément sélectif mais représentatif de la qualité et de la richesse de l’œuvre de Bernard Buffet. L’ensemble de sa carrière est retracé au fil d’un parcours chronologique.

L’exposition débute en resituant les premières œuvres de Bernard Buffet dans le contexte artistique de l’après-guerre. Dès ses prémisses, la démarche créative du peintre se place en opposition avec les tendances de son époque et se nourrit de paradoxes. Alors que le milieu artistique est agité de remises en question du réalisme et de la figuration, Bernard Buffet se consacre à des descriptions de scènes du quotidien parfaitement figuratives, comme en témoignent les toiles L’Atelier, La Ravaudeuse de filets ou encore Le Buveur, réalisées respectivement en 1947, 1948 et 1949. Alors que l’époque est au rejet du sujet, il s’intéresse à la peinture d’histoire.
Un style austère et mélancolique

La contradiction s’impose également entre un style pictural d’une grande sobriété, inspiré par des sujets austères et mélancoliques, et un train de vie aisé. Dès ses débuts, la peinture de Bernard Buffet est caractérisée par un coup de pinceau qui ne changera pas : le contour des motifs sont soulignés d’un trait noir plus ou moins épais, de multiples griffes parsèment souvent la toile en tous sens, dressant les lieux et les personnages par des mouvements vifs qui renforcent leur dureté. Les teintes sont ternes, assombries par une éternelle grisaille.

L’exposition rend compte des thématiques récurrentes dans l’œuvre de Bernard Buffet. Les motifs favoris tels que les natures mortes, les clowns et les autoportraits côtoient ainsi des sujets que le peintre a abordés dans chacune de ses expositions annuelles. Le grand tableau Le Poulpe géant, de la série Vingt mille lieues sous les mers, et L’Enfer de Dante témoignent des inspirations littéraires et celui intitulé La Passion du Christ, des inspirations religieuses et mythologiques, tandis que les tableaux Les Oiseaux, La Mort et Les Folles relèvent de cycles allégoriques. On redécouvre également l’intérêt de Bernard Buffet pour la peinture d’histoire avec la large toile L’Ange de la guerre mais surtout celui pour l’histoire de la peinture, à laquelle il s’est régulièrement confronté. En témoignent les œuvres Le Sommeil d’après Courbet, La Leçon d’anatomie d’après Rembrandt et une série revisitant les memento mori médiévaux."

Bernard buffet, un artiste hors norme mal aimé ou juste victime de son succès?

On pourrait dire que "Bernard Buffet est à la fois considéré comme l’un des plus importants peintres français du XXe siècle et le plus mal aimé. Certains l’adulent, les autres le détestent... Cependant le succès commercial et la reconnaissance du « grand public » n’étaient nullement compromettants, bien moins que l’intérêt et la faveur de « professionnels » suspects d’élitisme et d’entre-soi, méprisant les choses et les sentiments simples. Cet argument, entre démagogie et populisme, est aujourd’hui largement employé dans les discours politiques, et Buffet en a fait lui-même usage pour se poser en héros du bon sens et de l’instinct."
Extrait du journal "Le Monde" octobre 2016









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